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Alabama Song

© Catherine Bougerol

D’après le roman de Gilles Leroy – adaptation et mise en scène Guillaume Barbot, Compagnie Coup de Poker – au Théâtre de la Tempête. Avec Lola Naymark dans le rôle de Zelda.

La vie et l’œuvre de Scott Fitzgerald nous sont connues. L’auteur a publié de nombreux romans et nouvelles dont Gatsby le magnifique en 1925 et Tendre est la nuit en 1934. L’œuvre de Zelda, comme dans nombre de couples d’artistes, est moins connue, peu reconnue, même si elle écrit tout autant. Zelda Fitzgerald publie en 1932 l’histoire de sa rencontre avec Scott, sous le titre Accordez-moi cette valse. On est en Alabama en 1918. Elle a dix-huit ans, lui vingt-et-un. Le couple devient la coqueluche du Tout-New York et s’y brûlera les ailes.

Le roman de Gilles Leroy, Alabama Song, puise dans la vie de Scott et Zelda Fitzgerald, mêlant les données biographiques aux éléments imaginaires, en mettant le projecteur sur Zelda, ses amours, son parcours, ses blessures, son écriture. Le spectacle reprend ce portrait de femme, dans sa passion débordante et tumultueuse avec Scott, qu’elle épouse en 1920 et avec lequel elle aura une fille surnommée Scottie. Sur scène, Zelda se raconte en se consumant. Le début du spectacle est le point d’arrivée de sa vie déchirée, dans l’hôpital psychiatrique où on la soigne et où elle mourra au cours d’un incendie, dernière image du spectacle. Elle appelle ses souvenirs. Retour sur image, sur sa vie et sur sa rencontre avec Scott, sous l’égide de la difficulté de vivre, de l’alcool et de la création. « Du jour où je l’ai vu, je n’ai plus cessé d’attendre. Et d’endurer, pour lui, avec lui, contre lui » déclare-t-elle. Dans l’écriture, Zelda déverse sa violence, elle revendiquera nombre de situations dont se serait emparé son époux pour sa propre œuvre. « Il en est qui se cachent pour voler, pour tuer, pour trahir, pour aimer, pour jouir. Moi, j’ai dû me cacher pour écrire » dit-elle.

Trois musiciens ponctuent les étapes du douloureux récit de sa vie au regard de ses relations de couple avec Scott, chaotiques et destructrices. Ils se glissent aussi dans la peau de personnages qu’ils interprètent : Pierre-Marie Braye-Weppe est au violon et interprète le rôle du psychiatre ; Louis Caratini joue du piano et du trombone, il est l’amant, ce marin de Fréjus dont s’amourache Zelda ; Thibault Perriard est à la batterie et à la guitare, il est aussi Francis Scott. Leur passage de musicien à comédien se fait avec simplicité, comme une évidence, de même que leurs interventions musicales, délicates et subtiles, dans l’esprit jazz des années 20. Si les instruments placés au centre mangent la scène – nous sommes dans la petite salle Copi du Théâtre de la Tempête – le dispositif scénographique élaboré, une rampe sur laquelle évolue Zelda, surplombant les musiciens, s’avère parfaitement efficace, piste de danse ou long couloir de l’HP (la scénographie est signée Benjamin Lebreton, les lumières de Nicolas Faucheux assisté d’Aurore Beck). Lola Naymark habite le personnage de Zelda avec une grande force et justesse. Elle décline l’entière gamme de ses émotions et sentiments, de la fantaisie à la liberté, de la retenue à la colère, de la vindicte au désarroi. Sa palette est large, elle est l’incandescence même, continuellement au bord du vide.

Guillaume Barbot signe la mise en scène d’un diptyque sur des destins de femmes dont Alabama Song est le second volet. Le premier, monté en 2018, était une adaptation du roman de l’écrivain comorien Ali Zamir, Anguille sous roche. Sa compagnie, Coup de Poker, est depuis cinq ans en résidence au Théâtre de Chelles après avoir été associée au Théâtre de la Cité Internationale en 2017 puis au Théâtre Gérard Philipe/CDN de Saint-Denis en 2018-2019. Le metteur en scène développe son travail autour d’une matière littéraire non dramatique, mêlant théâtre et musique. Il s’empare de thèmes d’une grande profondeur et intensité, ici, la passion, la création et la folie, dans ce couple mythique des Fitzgerald qui s’est fracassé, et où Zelda a sombré. Une compagnie à suivre !

Brigitte Rémer, le 7 janvier 2022

Avec Lola Naymark, Zelda – et avec les musiciens-acteurs : Pierre-Marie Braye-Weppe violon et jeu (psychiatre) – Louis Caratini piano, trombone et jeu (les amants) – Thibault Perriard batterie, guitare et jeu (Francis Scott) – scénographie Benjamin Lebreton – lumières Nicolas Faucheux, assisté d’Aurore Beck – costumes Benjamin Moreau – conception musicale collective, direction Pierre-Marie Braye-Weppe – son Nicolas Barillot, assisté de Camille Audergon – regard chorégraphique Bastien Lefèvre – assistanat à la mise en scène Stéphane Temkine – régie son Camille Audergon – régie Gilles David, Yann Nédélec – Le texte peut être joué grâce à l’aimable autorisation des éditions Mercure de France.

Du 5 au 16 janvier 2022, du mardi au samedi 20h30, dimanche 16h30, au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Rte du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris – tél. : 01 43 28 36 36 – site : www.la-tempete.fr